Victime d’un grave accident il y trois ans jour pou jour pendant l’un de ses entraînements, le gymnaste Thomas Bouhail a récemment annoncé qu’il mettait un terme à sa carrière. L’ancien élève de la section sportive du collège Le Parc d’Aulnay-sous-Bois, champion du monde en 2010 et vice-champion olympique en 2008 au saut de cheval, ne restera cependant pas très loin des gymnases. Retour sur une destinée prodigieuse au tournant tragique.
La vie de Thomas Bouhail s’est brisée net un 24 décembre 2011, à quelques mois d’un probable titre olympique aux JO de Londres. Trois ans après son accident à l’entraînement, une multitude d’opérations et une grosse dépression, le jeune gymnaste tourne aujourd’hui une lourde page. Il faut dire que Thomas Bouhail a commencé la gymnastique très jeune pour y consacrer sa vie. Il s’élance dans des entraînements à Villemomble, sa ville natale, à l’âge de six ans. Mais bien plus doué que la moyenne, il se dirige rapidement vers la section sportive du collège Le Parc d’Aulnay-sous-Bois à l’âge de dix ans, avant d’intégrer en 2001 l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (INSEP).
Une réussite incroyablement rapide
Repéré très jeune pour son niveau, il récolte par la suite les médailles et titres nationaux, puis internationaux. Le gymnaste connaît sa première sélection en équipe de France lors des Jeux méditerranéens en 2005, alors qu’il n’était âgé que de dix-neuf ans, et remporte une médaille de bronze par équipe. L’année suivante, il décroche également son premier titre de champion de France au sol. C’est en 2007 que commence sa carrière en dehors des frontières françaises: après une médaille d’argent lors de l’étape de coupe du monde de Paris-Bercy, Thomas devient vice-champion d’Europe au sol à Amsterdam, avant de remporter son premier titre national au saut.
A seulement 22 ans, c’est le 18 août 2008 que Thomas Bouhail rentre dans l’Histoire du sport français. Lors des Jeux olympiques de Pékin, il devient vice-champion olympique au saut, à égalité en terme de points avec le champion du monde de l’époque Leszek Blanik sur l’ensemble des deux notes, mais le règlement en cas d’égalité sourit ce jour-ci au gymnaste polonais. Lors de ces JO, Thomas termine également 8ème par équipe et finaliste du concours général individuel. Quelques mois plus tard, toujours au saut, il devient le premier français à remporter la finale de la coupe du monde à Madrid. En 2009, le prodige Thomas remporte un double titre national (au saut et au sol), deux médailles aux Jeux méditerranéens (une en or, l’autre en argent), et surtout, un titre de champion d’Europe au saut, lors des championnats d’Europe à Milan.
Après une opération à l’épaule qui l’éloigne des agrès plusieurs mois durant, il revient, sans compétition dans les jambes, aux championnats du monde de Rotterdam. C’est le 24 octobre 2010 que Thomas Bouhail devient le premier français champion du monde de gymnastique de l’ère moderne avec une médaille d’or au saut, devançant alors son principal adversaire, le Russe Anton Golotsutskov.
Survient un accident inattendu qui brisera sa carrière en plein vol
Nous sommes le 24 décembre 2011, la journée semble être des plus excitantes à l’approche des fêtes de fin d’années et pourtant, c’est bien ce jour-là que la carrière de Thomas Bouhail, âgé à l’époque de 25 ans, a pris un tournant final, bien malgré lui. Le jeune, qui représente l’espoir pour la France de décrocher une médaille au saut pendant les Jeux Olympiques de Londres en 2012, fait alors une terrible chute pendant un entraînement qui lui cause tout d’abord une triple fracture du plateau du tibia gauche. Mais rapidement, cette triple fracture se transforme en un problème médical complexe qui aurait pu lui causer une amputation de sa jambe gauche. Touché également aux ligaments du genou et au nerf sciatique, il s’en sort après avoir subit 15 opérations pour sauver sa jambe.
Aujourd’hui âgé de 28 ans, il n’a rien perdu de ses qualités mais une petite flamme vient de s’éteindre. Celle du compétiteur contraint d’avouer qu’il renonce définitivement au plaisir des podiums, ce que, malgré l’évidence, il n’avait encore jamais formulé. Il s’est exprimé il y a quelques jours à nos confrères de l’AFP. Et lorsqu’il s’agit d’évoquer la question sur l’arrêt de sa carrière, le sportif répond sans détours: « C’est la question qui tue ! C’est vrai que je ne l’ai jamais annoncé. Au départ c’était une manière de me mentir à moi-même pour pouvoir progresser en rééducation, ce qui a plutôt bien fonctionné. Mais aujourd’hui, ma carrière internationale est finie » confie t-il. « Physiquement parlant, il n’est plus question de rêver. C’est fini, c’est sûr », admet Thomas Bouhail, qui restera à jamais le premier champion du monde de l’histoire de la gymnastique française.
Donner une suite à sa passion pour la gym
Après son accident, les complications se succèdent. Au physique s’ajoute la souffrance psychologique: le gymnaste sombre dans une grave dépression. Soutenu par sa femme, avec qui il a eu une petite fille, l’ex-prodige avance doucement. Cette année, il a réellement pris conscience que l’état de sa jambe ne s’améliorerait plus. Tout début 2015, la sécurité sociale lui communiquera son taux d’invalidité. « Je serai travailleur handicapé », admet-il après être passé du fauteuil roulant à la canne en passant par les béquilles.
Malgré ses longs mois d’immobilisation, en pleine déprime, sa passion pour la gymnastique lui donne l’envie de rédiger un programme à l’attention de la Fédération Française de Gymnastique, qu’il a intitulé: « Faire une équipe de France performante ». Toujours soutenu par sa fédération, il prendra ses fonctions d’entraîneur national au sein du collectif masculin au mois de janvier à l’INSEP à Paris. « C’est un sport magnifique pour moi » confie t-il, poursuivant « je suis un passionné et je suis content de ne pas avoir perdu ça après cet accident. Je vais être à la salle tous les jours ! » Mieux encore, il veut croire en la possibilité de remonter sur un agrès pour le plaisir. Et pour se donner la sensation d’être le maître de son destin. « Ce n’est pas moi qui ai choisi de mettre un terme à ma carrière internationale, c’est l’accident qui l’a fait pour moi. Mais je suis sûr que je peux reprendre l’entraînement et me dire si ça ne va pas: j’arrête. Je veux décider moi-même d’arrêter la gym », sourit le champion, qui s’est fait tatouer cette devise sous l’avant bras gauche: « Viser la lune me fera toucher les étoiles ».